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t’il que je puisse avoir si je n’ay la sienne ? Ouy, Bellaris, je l’ay, de telle sorte que la mort peut bien m’oster la vie, mais non pas le souvenir d’Arimant. Et les dieux sçavent qu’il n’y a jour, heure ny moment que Clarine et moy n’en parlions, quand nous sommes ensemble, sans que jamais nous ayons peu faire ce discours sans nous noyer le visage de larmes. Or, mon cher amy, je te veux bien declarer une chose, de laquelle je n’ay faict encores semblant à personne, mais l’estat auquel je me trouve, et celuy que je prevois estre bien tost pire, me contraignent à t’en parler, afin que par ton conseil nous y cherchions quelque remede. Sçache, Bellaris, que ce roy Gondebaut, duquel tu as tant ouy parler, par mal-heur est devenu amoureux de moy, et ne croy point que ce soit une opinion mal fondée, car outre les cognoissances qu’il en a données à chacun par ses deportemens, encores a-t’il voulu que je les aye receues de sa bouche. Je ne voulus pas rejetter son amitié d’abord, sçachant combien une amour outragée porte une personne à de violentes actions, mais apres l’avoir remercié de l’honneur qu’il me faisoit, je luy dis qu’il devoit considerer que je n’estois pas née dans le milieu du peuple, mais de l’une des meilleures familles des Salasses, et telle que la femme de Rithimer, qui estoit sœur de l’empereur Anthemius, estoit ma proche parente, que ceste consideration devoit estre cause que je fusse