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Alpes, on nous emmena en ceste ville, et soudain apres, estans separez de tous les autres, l’on nous passa par le pays des Segusiens, par les monts des Gebennes, et enfin l’on nous r’enferma dans un petit chasteau aupres de la ville de Gergovie. Je puis bien dire qu’on nous r’enferma, car veritablement nous fusmes tenus si estroictement par celuy qui nous avoit en garde, qu’à peine voyons-nous le jour ; nous demeurasmes quelque temps de ceste sorte. Enfin le merite et la douce conversation de mon maistre rendit ce barbare plus doux, et depuis les offres que je luy fis de recognoistre sa courtoisie, quand Bellimart luy donnerait liberté, fut cause qu’il permit que je sortisse pour en venir traicter avec luy, ayant este adverty que Gondebaut revenoit avec toute son armée.

Voilà quelle a esté la fortune de mon maistre, en laquelle il n’a jamais rien tant regretté ny ressenty si vivement que de ne sçavoir l’estat de la vostre, seulement il apprit aux marques, que quelques autres prisonniers luy donnerent en passant par les Allobroges, que vous estiez entre les mains du roy. Ce n’a donc point esté le desir de sortir, ny de traitter avec Bellimart, qui m’a fait venir icy, mais pour sçavoir en quel lieu du monde vous estes, et si vous avez encore memoire de luy.

– Comment, reprint incontinent Cryseide, si j’ay encores memoire de luy ? Et quelle autre memoire pense-