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c’estoit à cause du butin qu’ils avoient faict et qu’ils vouloient separer. La dissension fut telle qu’il y en demeura plusieurs de morts, et comme le bruit alloit croissant, plusieurs autres s’y assemblerent qui aussi tost arrivez se mettoient de l’un des partis. Enfin un capitaine passant par là, et voyant ce desordre y voulut mettre ordre,, mais les soldats qui pensoient que ce fut pour leur oster leur butin, au lieu de luy obeyr, se jetterent sur luy, et le presserent de sorte qu’il fut contraint dé se sauver dans la porte de l’Escuyerie où nous estions. Les soldats qui avoient perdu le respect, et qui sçavoient bien que s’il leur eschappoit des mains, il les feroit punir et passer par les armes, se resolurent de le faire mourir, esperant encores d’avoir par apres ce qu’il pourroit avoir desja gaigné au pillage de la ville, et en ce dessein s’essayerent d’entrer dedans. Ce que considerant Arimant : Defendons, dit-il, ce chef, le Ciel peut-estre nous l’a envoyé, afin qu’ayant esté assisté de nous, nous en recevions apres quelque courtoisie.

A ce mot, mettant tous deux la main aux espées, nous nous mismes à ses costez ; et quoy que mon maistre, fust fort blessé, si est-ce que son courage qui n’a jamais deffailly, luy donna assez de force pour retenir la furie des soldats. Peut-estre y fussions-nous en fin demeurez, mais comme si le Ciel nous eust voulu seulement donner le loisir d’obliger cet homme, quelque temps apres il survint