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certains voleurs aux pieds des Pyrénées, qui me laisserent pour mort aupres de luy. Les dieux m’ont voulu conserver la vie, pour rapporter à ses parens ceste triste nouvelle, et me la faire regretter le reste de mes jours. – Donques, reprit Cryseide, feignant d’en estre marrie, le pauvre Marciante est mort ? – Il l’est, madame, respondit froidement Bellaris. – Je vous asseure, dit-elle, que je le plains, car c’estoit un chevalier de merite.

A ce mot, la plus part des dames se separerent par diverses allées, laissant enfin Cryseide seule avec Bellaris, auquel, soudain qu’elle vit que personne ne la pouvoit escouter : Ah ! Bellaris, mon amy, dit-elle d’une voix basse, dis-moy, sur la foy que tu dois aux dieux, que est-il de mon cher Arimant et quelle a esté sa fortune ? – Madame, luy respondit-il, Arimant est en bonne santé, et n’a autre mal que de ne sçavoir point de vos nouvelles. Quant à sa fortune, elle a esté assez diverse, et je ne sçay si j’auray loisir de la vous raconter. – Je pense, dit-elle, que nous aurons assez de temps, mais quand cela ne seroit pas, il faut que tu reviennes icy une autre fois. – Madame, adjousta-t’il, je la vous diray en peu de paroles, et puis, s’il vous plaist, nous adviserons à ce que nous aurons à faire.

Sçachez donc, continua-t’il, qu’Arimant ayant esté si vilainement abandonné de ceux de la ville où nous estions, luy seul s’estant longuement deffendu, il fut enfin laissé pour mort, et c’est sans