Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/751

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout bas, que j’ay grandes choses à te dire ! Et ne pouvant luy tenir plus long discours, elle passa outre, mais avec un visage si content, que chacun voyoit par le dehors la joye interieure de son ame.

Cette fille aymoit grandement Clarine, mais quand elle luy eust porté beaucoup moins de bonne volonté, elle n’eust pas laissé de disner avec impatience, et que le repas ne luy eust semblé bien long, pour le desir qu’elle avoit de luy raconter ce que le petit livre luy avoit appris, car c’est la coustume de ceux qui ont un grand contentement de ne penser pas de l’avoir entierement, s’ils ne le communiquent à quelque personne qu’ils estiment les aymer. D’autre costé, Clarine poussée de mesme impatience, ne vit pas plustost sa maistresse hors de table que, sans se souvenir de manger, elle la suivit dans la mesme garderobbe où elle l’avoit trouvée. Et s’estans renfermées toutes deux : O Clarine, luy dit-elle en luy jettant les bras au col, ô ma mie ! que j’ay de grandes choses à te dire ! Sçaches, ma fille, continua-t’elle, qu’Arimant est en vie. – O dieux, dit Clarine, Arimant n’est pas mort ? – Non, Clarine, reprit Cryseide, il n’est pas mort, et il m’a escrit. Clarine alors, luy baisant une main : O trop heureuse Cryseide, dit-elle, puis qu’en quelque estat que vous soyez vous avez peu apprendre ces nouvelles ! Il n’y a plus rien d’ennuyeux, madame,