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Mercure le dieu que les Romains recognoissent pour le porteur des nouvelles, de luy en vouloir donner de bonnes, croyant que cette action n’estoit pas faicte sans suject, et qu’elle en pouroit peut-estre rencontrer en ce livre que l’on luy avoit mis entre les mains. Le sacrifice luy sembla long plus que de coustume, et impatiente de sçavoir ce que pourroit estre, elle ouvrit diverses fois ce livre, et sans se souvenir de la façon d’escrire qu’elle avoit accoustumée, elle alloit tournant les fueillets sans y rien trouver dedans qui la peust contenter. Ses compagnes qui la voyoient si attentive à le regarder, pensoient que ce fust un livre de prieres, comme en effect c’en estoit un, et ne se prirent jamais garde de chose quelconque.

En fin, sur la conclusion du sacrifice qu’elle se recommandoit avec plus d’affection à Mercure et Apollon, qui est le dieu qu’ils tiennent pour le dieu qui revele les choses obscures et a le don de deviner, ne voilà pas qu’elle se ressouvint de la façon d’escrire qu’elle avoit autrefois eue avec le pauvre Arimant ? Et encore qu’elle creut qu’il fust mort, toutesfois ne se pouvant imaginer aucune autre occasion qui luy eust fait donner ce livre que celle-là, elle jetta les yeux curieusement dedans, et en effect trouva qu’il y avoit quantité de lettres effacées, comme elle souloit faire. Quel tressaut fut celuy qu’elle eut ! Jugez-le, puis qu’elle rougit ! Les mains et les jambes commencerent