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plus foibles, qu’il valoit mieux les offrir à l’ennemy et sauver tout le reste.

Il cria et se tourmenta de sorte que quelques-uns se r’allierent aupres de luy, avec lesquels il s’alla saisir d’une porte qu’il defendit si bien que le roy Gondebaut fut contraint de passer d’un autre costé, où les habitans le conduisirent. Et par ainsi, trahy par ceux du lieu, cependant qu’il repoussoit l’ennemy qu’il avoit en teste, il se sentit chargé par les espaules si furieusement, qu’en fin la vertu estant surmontée par le grand nombre, et il faut dire par presque tout le camp, il luy fut impossible de resister. Car, apres avoir soustenu toute l’armée, et estre demeuré sans flesches ny autre sorte d’armes, il fut contraint de venir aux mains, où il fut emporté par le grand nombre des ennemis, qui toutesfois ne sceurent jamais le prendre que, chargé de coups, il ne tombast par terre, desirant de mourir plustost que de me voir entre les mains de ceux qu’il nommoit barbares.

Quant à moy, en mon malheur, encor puis-je dire que j’eus de la bonne fortune, car l’endroit de la ville où je me trouvay fut marqué pour le quartier du roy Gondebaut, et ceux qui estoient pour luy me prirent avec un bon nombre d’autres dames qui, toutes, aussi bien que moy, furent emmenées en cette ville sous bonne garde, avec esperance que sa generosité