Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/736

Cette page n’a pas encore été corrigée

de mon cher Arimant, auquel incontinent apres je m’en allay raconter l’effet de ma commission avec tant de plaisir et de satisfaction que, me prenant entre ses bras, je croyois qu’il ne se saouleroit jamais de me remercier et de me baiser. En fin nous resolumes, puis que j’avois dit à son pere que j’estois parmy les Vestales, qu’il ne falloit point me declarer, de peur d’estre surprise en menterie. Car le mensonge a cela de propre que quand il est recogneu, il faict mescroire la verité. Et que pour eviter le courroux de Rithimer, et de ma mere aussi, il seroit à propos de celer nostre mariage quelque temps, et cependant l’on essayeroit de le leur faire trouver bon. Le pere d’Arimant approuva encores ces advis, et deslors remit tout à la volonté de son fils.

Or voyez, Hylas, comme les hommes proposent et les dieux disposent. Qui eust pensé que nos affaires ne deussent avoir la fin la plus heureuse que l’on sçauroit imaginer ? Et toutesfois les contrarietez que jusques icy nous avons racontées, ne sont que jeux aupres de ce que j’ay à vous dire. Car Arimant et moy desirans de terminer heureusement nostre dessein, nous faignismes d’aller querir Cryseide, et partismes apres avoir faict faire des habits de femme, et tout ce qui estoit necessaire pour les nopces, et nous en allasmes dans une des villes des Caturges, pour y demeurer autant de temps que nous pouvions juger qu’il en falloit,