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faire appreuver leur mariage. Or, jugez maintenant, seigneur, si ces deux actions doivent estre desappreuvées, ou s’il y a deffaut de generosité et d’amour en ceste fille, qui d’ailleurs a toutes les autres conditions que vous avez demandées ?

Je finis de ceste sorte, avec le grand estonnement du pere, qui fit deux ou trois tours dans l’allée où nous nous promenions sans dire un seul mot, cependant que j’attendois la sentence de ma vie ou de ma mort.

En fin, relevant la teste qu’il avoit tenue contre terre assez long temps, il me respondit de ceste sorte : J’advoue, Cleomire que vous m’avez dit de grandes choses, et lesquelles avec raison m’ont rendu un peu pensif. En fin considerant qu’il n’y a rien en ce monde qui soit conduit par le hazard, mais tout par la sage providence des dieux, je veux croire que toutes ces choses que vous m’avez racontées, ne sont point, advenues que par leur volonté, et cela estant, serois-je bien si temeraire d’y vouloir contre-venir ?

Mon fils, à ce que vous me dites, ayme Cryseide, et je juge bien, ayant ouy ce que vous m’en avez raconté, que son voyage vers les Lybicins n’a esté que pour s’approcher d’elle, ny le combat de Clorange, que pour n’en pouvoir souffrir les pretentions au prejudice des siennes. Cryseide aussi a donné de tres-grands tesmoignages de l’aymer cherement. Je