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luy repondit qu’il pretendoit acquerir ses bonnes graces, non point pour en abuser, mais pour se lier avec elle du lien de mariage, comme ceux de sa condition ont accoustumé de faire. Et lors qu’elle luy mit devant les yeux cette haine que Rithimer vous porte, et la proximité de sa mere avec sa femme, il repondit, que les dieux qui ne vouloient point d’inimitié perpetuelle, avoient peut-estre desseigné de reconcilier vos deux maisons par cette alliance, et qu’il s’asseuroit que, quand vous en seriez adverty, car il ne vouloit rien faire en cela qu’avec vostre permission, vous l’auriez aggreable et loueriez son juste dessein. Depuis, cette fille ayant quelque temps resisté, et l’amour d’un costé et d’autre s’augmentant tous les jours, ils vindrent ensemble à ces promesses de se donner parole de s’espouser, pourveu que vous l’eussiez aggreable et cependant faire tous deux tout ce qu’il leur seroit possible pour le faire trouver bon à leurs parents. Les choses estans en ces termes, Cryseide est emmenée en la maison de Rithimer, où l’on luy parle de la marier avec Clorange. Vous sçavez, seigneur, quel homme il estoit, c’est-à-dire le plus difforme et le plus vicieux de tous les hommes ; mais quand il eust esté le plus aggreable et le plus parfaict, jugez si Cryseide pouvoit espouser un autre, s’estant desja donnée à vostre fils ? Et toutesfois en cecy vous remarquerez sa vertu, parce qu’elle n’avoit rien promis qu’à condition