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parle en sa deffence sans offencer vostre jugement ?

Et lors, m’ayant dit qu’il en seroit bien aise, je repris la parole de cette sorte : Je ne croy pas que Cryseide ait fait que deux actions qui vous puissent avoir donné subject de changer le jugement que vous aviez fait d’elle. La premiere, la resolution qu’elle fit de se couper les veines, et mourir, plustost que d’espouser Clorange ; et l’autre, sa fuitte hors des mains de sa mere. Mais afin que vous puissiez mieux estre esclaircy de ces deux poincts, il faut que je vous descouvre une chose, que sans doute vous n’avez pas sceue, et laquelle toutesfois je vous supplie de ne trouver point mauvaise, puis que le respect qui vous est deu, a tousjours esté conservé entier, comme vous entendrez.

Sçachez donc, seigneur, qu’Arimant, ayant veu cette fille de laquelle nous parlons, et en faisant le mesme jugement que vous, recognoissant, outre cela, quelque beauté en elle, en devint tellement amoureux qu’il ne laissa aucune sorte de recherche pour s’en faire aymer. La fille qui recogneut l’honneur que vostre fils luy faisoit, apres avoir souffert quelque temps les soings et les devoirs que les personnes qui aiment bien ont accoustumé de rendre, luy demanda quelle estoit son intention. Arimant qui en cela, ainsi qu’en toute autre chose, proçedoit en vray chevalier, et comme ne degenerant point de la vertu de ses illustres predecesseurs,