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a donné ; mais celuy d’Hylas procede d’un jugement imparfaict, qui luy empesche de discerner ce qui est bon ou mauvais, et qui par ce deffaut porte sa volonté aux vices dont il a fait habitude. Et parce que l’ame raisonnable est celle qui donne l’estre à l’homme, et le rend different des bestes, il est beaucoup meilleur selon vostre mesme opinion, d’avoir le corps imparfaict que l’ame. Voire je diray bien plus, il vaudroit beaucoup mieux estre un beau cheval, ou un beau chien, que d’avoir la figure d’un homme, et n’en avoir pas la forme telle qu’elle doit estre, parce qu’un cheval est un animal parfaict, et celuy qui a l’ame defaillante en sa principale partie telle que l’entendement, en est un infiniment imparfait, et ainsi je concluds, qu’u vaut mieux estre malade comme Adraste, que comme Hylas.

Chacun se mit à rire de cette conclusion, et l’éclat en fut tel, que Hylas ne put de long-temps parler pour estre ouy. Et lorsqu’il voulut prendre la parole, ils virent la sage Chrisante, qui les ayant apperceus de loing, venoit vers eux ; avec bonne trouppe de ses vierges. Cela fut cause que mettant fin à leurs disputes, ils s’avancerent tous pour la saluer, et luy rendre l’honneur qui estoit deu à sa vertu, et à la profession qu’elle faisoit.