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donc le chemin, et marchasmes jusques à la nuict, que nous arrivasmes, un peu apres les vingt-quatre heures, en la ville des Lybicins, avec le contentement que vous pouvez penser.

Mais vous sçaurois-je représenter combien fut grand celuy d’Arimant, lors que je l’allay embrasser dans son lict ! Il fut tel que ses playes se r’ouvrirent, et recommencerent à saigner, de sorte qu’il faillit d’y demeurer ; et je croy qu’il avoit tant de joye de me voir en sa maison que, si je ne m’en fusse prise garde, il n’en eust rien dit pour ne me point effrayer, mais luy voyant le visage tout changé, je luy demanday s’il ne se trouvoit point mal : Ce n’est rien, me dit-il, mon frère (c’est ainsi que depuis nous nous appellasmes tousjours) il faut seulement faire venir le chirurgien, cependant que vous poserez vos bottes, car je ne laisseray de soupper avec vous, encore que je sois au lict. – C’est ainsi que je l’entends, luy dis-je, et appellant le chirurgien, apres que je l’eus embrassé, je me retiray un peu dans ma chambre.

Mais vous pourrois-je bien dire les discours de Clarine, et les gratieuses rencontres qu’elle faisoit ? Je croy qu’il seroit malaisé, parce qu’ayant esté tousjours en frayeur jusques là, il sembloit qu’elle fust revenue de la mort à la vie. Cependant que nous allions gaussans ensemble, l’on nous vint advertir qu’Arimant avoit perdu tant de sang que ses playes s’estoient beaucoup empirées, et que le danger en estoit grand. Je