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à Clarine qu’il y avoit des marchands dans l’anti-chambre qui demandoient si l’on vouloit acheter de la toile. Clarine incontinent se douta que c’estoit Arimant, et s’approchant de moy : Vous verrez, me dit-elle, madame, que ce seront nos marchands. – Allez voir, luy dis-je, et si ce sont eux, faites-les entrer, car nous aurons loisir de voir leur marchandise, cependant qu’il n’y a personne qui nous empesche. Et il estoit vray que de bonne fortune il n’y avoit dans ma chambre que nous trois. Clarine incontinent s’y en alla, et parce que le petit enfant la suivit, elle fit semblant de ne les cognoistre point, leur demandant quelle marchandise ils portoient. – De fort belles toiles, respondit Arimant en langage gaulois, et à fort bon marché. – Vous venez, dit-elle, tout à propos, car madame est seule, elle sera bien aise, de voir vostre marchandise. Et à ce mot elle les conduisit vers moy.

Je vous avoue, Hylas, que je fus tellement transportée, et luy aussi, que voyant n’y avoir personne dans la chambre qui nous peust veoir, parce que Clarine avoit donné une commission au petit qui nous servoit pour aller par la ville, d’abord qu’il entra dans ma chambre, je luy tendis les bras, et luy s’en vint de mesme vers moy, et se mettant à genoux devant mon lict, je le tins un fort long temps serré contre mon sein, si surprise de contentement que je ne pouvois le destacher de mes bras. – Amy, luy dis-je,