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faire l’amour à une jeune fille nommée Cryseide, et perdoit non seulement le soucy de ces peuples qu’il avoit en gouvernement, mais encore de la reputation qu’il avoit autresfois acquise par tant de beaux exploits de guerre.

Cette derniere nouvelle toucha fort au cœur d’Arimant ; toutesfois, se voyant si pres de moy, et esperant de me veoir bien-tost, il ne s’y arresta pas longuement, mais tournant entierement toutes ses pensées à donner ordre à recouvrer la marchandise, par laquelle il esperoit avoir entrée en mon logis, il se chargea, et son homme aussi, des plus belles toiles qu’il put trouver et feignit de venir des Gaules, d’où il en sort ordinairement, de tres-belles, outre qu’ayant la langue gauloise, il luy estoit fort facile de se faire croire marchand gaulois. Il employa tout le lendemain à dresser tout son equipage de marchandise, et ayant bien accommodé ses bales, s’en vint au logis de Rithimer, et conduit par ce jeune homme qui y avoit desja esté, passa au costé où je logeois.

Ceux qui les voyoient monter avec leurs bales, ne leur demandoient point où ils alloient, parce que les pensans estre des marchands, et d’ordinaire plusieurs y venans, ils ne trouvoient point estrange de voir ceux-cy. Ils s’arresterent dans l’antichambre, où de fortune le petit garçon qui avoit accousturné de me servir, passant pour quelque affaire que je luy avois commandé, les vid ; et r’entrant dans la chambre, dit