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dit qu’elle estoit morte.

Et à ce mot, ouvrant la lettre de Clarine, quoy qu’il voulust dissimuler, si est-ce que son visage donna assez de cognoissance de ceste joye inopinée, et plus encores quand il vit le peu de mots que je luy avois escrit, sans lesquels il eust pensé que Clarine le vouloit tromper ; mais reconnoissant fort bien mon escriture, il s’asseura entierement que je vivois, encore qu’il jugeast bien que j’estois fort foible.

Relevant donc les yeux : Mais dis-moy, mon amy, est-il possible, luy dit-il, que Cryseide ait esté en l’estat que l’on m’a fait entendre ? – Seigneur, respondit le messager, elle a encor esté plus mal que l’on ne vous a point dit ; car on peut dire qu’elle a esté morte, et puis retournée en vie. Et lors il luy raconta tout ce qui m’estoit arrivé, et de quelle façon j’en avois usé. – II faut advouer, dit Arimant alors, que Cryseide faict honte aux dames par sa beauté, et aux chevaliers par la grandeur de son courage. Et craignant d’en dire trop, il se teut et reprenant son chemin, alla repaistre en la plus prochaine ville, où il ne se pouvoit lasser de se faire redire tout ce qui s’estoit passé.

Et d’autant que les nouveaux accidens donnent de nouveaux conseils, Arimant s’estant arresté en ce lieu le reste du jour, il ne fit toute la nuict que penser au moyen qu’il auroit de me veoir. Et ne pouvant se bien resoudre tout seul, il appella ce jeune homme qu’il m’avoit envoyé, et