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du costé de Cryseide. Je montay les escaliers et je trouvay Clarine toute en pleurs, et toute eschevelée, et aussi tost qu’elle me vit : C’est, dit-elle, une triste response que celle que tu porteras à ton maistre ceste fois. Cryseide est morte, parce qu’on la vouloit forcer d’espouser Clorange ; porte luy ce mouchoir, où il verra escrit de la main et du sang de Cryseide le subject qu’il a d’en aymer la memoire. A ce mot, toute en pleurs et criant comme une folle, elle passa en une autre chambre.

– O dieux ! s’escria le chevalier, faut-il que je vive seulement pour ouyr ces nouvelles ? Mais continue, dit-il, je te prie. – Vous pouvez croire, dict le messager, que je demeuray grandement estonné, et toutesfois pour en sçavoir plus de verité, je m’arrestay encore un peu en ce mesme lieu, et je vis sortir trois ou quatre personnes de la chambre de Cryseide qui, toutes estonnées, et tenans les mains joinctes ensemble, disoient : Elle est veritablement morte d’une estrange façon. Cela me donna la curiosité, et courage d’y entrer, voyant mesme que tous ceux de la maison y accouroient. Je la vis, seigneur, mais ô quelle veue ! Je la vis morte dans son lict, et tout à l’entour, le sang qui mesme avoit coulé jusques en terre. A mesme temps Rithimer et quantité de femmes y entrerent, et j’ouy que Rithimer s’escria qu’elle s’estoit couppé les veines. J’eus peur alors d’estre recogneu de quelqu’un, et parce que vous me l’aviez si expressement deffendu, et que je