Lettre d’Arimant à Cryseide.
N’avoir tout le jour que des frayeurs, et des terreurs paniques, et toute la nuict vous voir toute en sang, et avec un pied dans le cercueil, me faire signe que je vous suyve, me trouble de sorte que je ne puis appeller vie celle que je passe esloigné de vous. J’envoye ce porteur pour sçavoir comme se porte celle à qui je suis, je le suivray de si près, que j’espere le trouver à son retour à my-chemin. Il faut qu’à ce coup la haine de Rithimer envers les miens cede à l’amour que je vous porte.
Cette lettre me consola infiniment pour plusieurs occasions : l’une, que je pensay que plus il s’approcherait du lieu où j’estois, tant plustost aussi sçauroit-il que le bruit de ma mort estoit faux ; l’autre, que je cogneus que veritablement il m’aymoit parce que les dieux n’envoyent jamais ces presages qu’à ceux qui y ont quelques interests ; et enfin, pour l’esperance que j’avois de le veoir bien-tost, et luy pouvoir communiquer un dessein que j’avois faict.
Mais cependant son homme fit une telle diligence que,