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des dieux, de ne me point laisser aller à un violent desespoir. Toute la nuict je ne fis que plaindre, et le jour me trouva dans le lict sans avoir peu clorre l’œil.

En fin, voyez à quoy une grande affection nous porte quelquefois ! Je me resolus de mourir, sçachant bien que ma mere, pour quelque supplication que je luy peusse faire, ne changeroit point de resolution ; et ne me pouvant figurer que mon affection, ny celle d’Arimant peust supporter cet outrage, je pensay qu’il valoit mieux mourir une fois que de remourir tous les momens qui me resteroient de vie.

Le matin donc estant venu, quand je vis que Clarine et la plus-part de ceux du logis estoient allez au temple comme de coustume, et qu’ils ne m’avoient laissé pour me garder qu’un jeune enfant qui me souloit servir, je l’appellay, et luy dis que je le priois d’aller promptement querir un chirurgien, sans en rien dire à personne. Le petit n’y manqua point, et lors qu’il fut entré : Nostre maistre, luy- dis-je, j’ay un grand mal de teste, je vous prie, evantez-moy un peu la veine du bras, car j’ay accoustumé de faire ainsi, quand ce mal me vient, et je suis incontinent guerie. Luy qui me vit toute rouge, et les yeux chargez, le creut facilement, et sans se le faire dire deux fois, m’ouvre la veine, et puis me bande le bras, et s’en alla. Mais il ne fut pas si tost hors du logis que je r’appellay ce jeune garçon, et luy dis que je