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la bouche ; mais tout cela n’empescha que Clarine qui en avoit esté advertie, ne s’en prist garde. Et venant vers moy, elle voulut me dire quelque chose pour-me consoler, mais relevant la teste vers elle, je luy dis : Tay-toy, Clarine, je te supplie, qu’il te suffise que mon mal-heur me tourmente assez sans que tu t’en mesles. Laisse-moi plaindre le peu de temps que j’ay à vivre le mal que je ne sçaurois assez pleurer. Elle qui m’aimoit tendrement, et qui sçavoit bien le sujet que j’avois de m’affliger : Je ne viens pas, dit-elle, en dessein de vous consoler, mais seulement pour vous mettre au lict, afin que l’on vous y vienne, moins importuner. – II vaudrait mieux, repliquay-je, si cela est, que tu me misses au tombeau.

A ce mot, sans me bouger, je me laissay deshabiller, comme si j’eusse esté morte, car le mal que je ressentois s’estoit de telle sorte saisi de moy, que mesme je ne pouvois pleurer. Mais quand je fus au lict, et que je n’eus plus la lumiere devant les yeux, ce fut alors que mes larmes commencerent à me noyer le sein, et à mouiller de sorte mon lict, que j’estois toute en eau. D’un costé, Arimant se representoit à moy accompagné de tous ses merites, et de tous les tesmoignages d’affection qu’il m’avoit rendu ; de l’autre costé Clorange, avec toutes ses deformitez et laideurs. Et alors voyant la difference qu’il y avoit de l’un à l’autre, j’entrois en de si grands desplaisirs que veritablement je fus bien assistée