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partis qui se rencontroient, le grand contentement qu’il y avoit d’entrer dans une maison riche et accommodée, elle me vint proposer Clorange ; et en le proposant, me dit que Rithimer et sa femme en avoient conclu le mariage, et que dans deux jours les nopces se feroient, qu’elle m’en avoit bien voulu advertir, afin que quand Rithimer me feroit l’honneur de m’en parler, je ne fusse pas si sotte de faire un mauvais visage, ou de n’user des remerciements tels que meritoit la peine qu’il luy avoit pleu de prendre pour moy. Qu’encores que Clorange eust le corps un peu mal faict, il avoit tant d’autres conditions qui le rendoient estimable, qu’il ne faloit pas en faire semblant. Qu’il estoit si amoureux de moy, que je ferois de luy tout ce que je voudrais, pourveu que je le sceusse un peu flatter. Bref, Hylas, elle n’oublia rien à me dire de tout ce qu’elle creut me devoir convier à ce mariage ; et sans attendre ma response, s’en alla coucher à l’heure mesme, s’asseurant bien que d’abord je n’en serois pas fort contente, mais croyant aussi que la nuict m’apporteroit la resolution qu’elle desiroit.

O dieux ! Hylas, quelle devins-je, oyant ces nouvelles ! Encores me fut-ce du soulagement que ma mere s’en allast, car je peus avec plus de liberté pleurer et me plaindre. Toute vestue que j’estois, je me jettay sur le lict, m’abouchay sur le chevet, et de peur d’estre ouye, je mordois le linceul, et m’en remplissois