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point recogneu. Cette esperance me redonna entierement la santé et le mesme visage que je soulois avoir, si bien que l’on commença à me faire voir, et il est vray que plusieurs d’abord jetterent les yeux sur moy, et mesme Rithimer, comme depuis je recogneus. Sa femme en mesme temps mit en avant ce mariage, le proposa à Rithimer, et le pria, parce que j’estois sa parente, de le vouloir faire reussir. Luy qui avoit quelque dessein sur moy, encores qu’il vist Clorange si difforme et si mal fait, ne laissa de l’appreuver, pensant que tant moins j’aymerois mon mary, tant plus aisément viendroit-il à bout de ce qu’il desiroit. Et feignant de ne le faire que pour complaire à sa femme, envoyé querir Clorange, le luy propose, le luy conseille, et en mesme temps l’y fait résoudre.

Je ne sçay si ce qu’on nommoit beauté en moy, ou mon malheur ; en fut cause ; tant y a que le tout fut conclu avant que l’on m’en dist un seul mot. Voyez comme le Ciel se mocque des propositions des humains. Lors que je me figure de recevoir le plus de contentement, c’est lors que je me vois accablée du plus grand malheur qui m’eust peu arriver.

Ma mere, un soir que j’estois preste à me mettre au lict, me vint trouver dans ma chambre, et apres m’avoir representé les incommoditez de nostre maison, qu’elle feignoit expressement tres-grandes et telles qu’elle vouloit, l’aage qui commençoit à me presser, le peu de