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en moy-mesme la rigueur de cette cruelle separation.

Je ne vous raconteray point icy ny les desplaisirs d’Arimant, ny ceux que je souffris en cette absence, parce que le temps de ce promenoir seroit trop court ; mais, Hylas, vous le pourrez juger, tant par ce qui s’estoit passé, que par les choses qui suivirent.

Nous tombasmes tous deux malades, mais Arimant beaucoup plus que moy, car mon mal ne fut qu’une certaine langueur qui m’abbatit si fort avec le temps, qu’on craignoit que je devinsse hectique. Luy, au contraire, prit un mal si violent, qu’en peu de jours il se trouva à l’extremité. En cest estat, chacun pensoit qu’il deust mourir ; et luy-mesme ayant cette creance, et ne voulant partir de cette vie sans mon congé, il s’efforça de m’escrire cette lettre.

Lettre d’Arimant à Cryseide.

La fortune semble de se lasser, elle veut mettre fin à mes peines ; n’y consentirez-vous, pas, madame, et ne me donnerez-vous pas congé de sortir de ces continuelles peines ? Je vous en requiers par cette affection qui me porte au tombeau, et qui ne diminuera jamais, quoy que mes cendres deviennent.