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augmentant, que je ne sçay qui des deux estoit le plus amant ou le plus aymé, ne voilà pas que la fortune commença à vouloir mesler ses amertumes parmy nos douceurs ou plustost nous ravir toutes nos douceurs, pour en leur place nous paistre des plus cruelles amertumes. Hélas ! je le puis bien dire ainsi, car depuis ce temps je ne sçay que c’est que plaisir ny contentement. Rithimer, duquel je vous ay desja parlé, tres-grand capitaine, et qui favorisé de l’empereur Majoranus, avoit obtenu non seulement d’estre citoyen romain, mais aussi patricien, et gouverneur de la Gaule, Cisalpine, parvint à un si grand credit qu’il disposoit absolument de tout ce qui estoit dans cette Gaule. Cette auctorité estoit procedée non seulement de la bonne volonté, et de la faveur des empereurs, mais beaucoup plus des grands exploits qu’il avoit faicts contre les Vandales pour la conservation de l’Italie. Ce vaillant prince avoit espousé une parente de ma mere, et qui desirant de me bien loger, avoit jetté les yeux sur un jeune homme en quelque sorte allié de Rithimer, fort riche, mais le plus vicieux d’esprit, le plus laid, et le plus difforme corps qui fut en toute la Gaule Cisalpine.

Ma mere qui avoit fait dessein de se deffaire de moy, parce que comme je recognus depuis, je l’empeschois de se remarier, prit cette occasion aux cheveux, et se delibera de me conduire vers cette princesse, esperant que la moindre commodité qu’elle en auroit seroit