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reprenant ses esprits : Et mon Dieu ! dit-elle, et de quel monde suis-je revenue ? quel est cet accident, et qui en peut estre la cause ? Ah ! mes enfans ! que je vous ay de l’obligation, et que les bons dieux m’ont bien esté favorables à ne vous laisser point endormir, quand ce mal m’a surprise, car je croy que veritablement je fusse morte sans vostre secours. – Comment ? ma mere, dit Clarine, vrayement nous avons dormy plus de deux heures, et il y en a bien une demie, que nous vous tenons entre nos bras, et que nous vous avons faict mille maux pour vous esveiller, et je croy bien que si vous n’eussiez vomy, vous estiez morte. – Et mes enfans, dit la bonne vieille, comment vous estes-vous esveillées ? – Comment ? dit Clarine, j’estois couchée aupres de vous, je vous ay senty débattre, et puis groumeller comme font ceux que l’on estrangle, je vous ay appellee deux ou trois fois en sursaut, et voyant que vous ne me respondiez point, je me suis jettée à bas du lict, j’ay esveillé Cryseide, et prenant de la bougie, nous vous sommes venus secourir. Et les dieux soient louez, continua-t’elle, en joignant les mains, que vous voilà remise. – Et j’ay vomy ? dit la vieille. – Comment, si vous avez vomy ? reprit Clarine ; ouy certes, et à la bonne heure, car sans cela, c’estoit fait de vous, estant sorty de vostre estomach je ne sçay quoy de noir et qui sent. Mais, mon Dieu dit-elle en se frottant le nez, ne le sentez-vous pas encores ?