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ou puis qu’elle vous ayme, il faut que vous croyez que vous estes aimable. Mais laissons ce discours et me dites, je vous supplie, s’il est vray que l’on parle de vous marier, et si cela est vray, comme l’on me l’a dit, que c’est que vous pensez de faire ?

Arimant alors rougit, et quoy que je l’eusse dit sans en rien sçavoir, si se trouva-t’il que son pere en parloit depuis quelques jours. C’est pourquoy il me respondit : II est tres-certain, madame, que l’on en parle, mais mon pere me ravira plustost la vie qu’il m’a donnée que jamais j’y consente, estant resolu de n’estre jamais qu’à la belle Cryseide, s’il luy plaist de m’en faire l’honneur. – Je ne voudrois pas, luy repliquay-je, estre cause de vostre desobeissance envers vostre pere. – Madame, dit-il, je suis plus obligé aux dieux, et c’est eux qui me commandent que je ne sois jamais qu’à vous, outre qu’il n’est plus temps de deliberer, ny de consulter d’une chose qui est desja faicte.

Et alors, se jettant à mes genoux : Je proteste à tous les dieux, et particulierement à ceux qui nous escoutent, et qui sont tesmoings icy de nos discours, que je veux mourir quand je ne seray plus vostre, et que je ne partiray jamais de vos genoux, que vous ne me fassiez l’honneur de me recevoir pour mary de la belle Cryseide. – Arimant, luy dis-je, vous m’obligez d’avoir cette volonté pour moy, et vous devez croire que jamais je ne vous eusse donné l’entrée de ce lieu si je