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ne dit jamais rien qu’il ne vueille observer, et quant à moy, j’en suis si fort asseurée que je ne le suis point plus de moy que de vous.

Et retournant nous asseoir comme nous estions et Clarine demeurant aupres de sa mere pour garder qu’en se tournant ou par quelque autre accident, la boeste ne tombast, Arimant, prenant la parole, me dit ainsi : C’est la coustume des dieux et des déesses, belle Cryseide, de faire tousjours les graces plus grandes que les merites de celuy qui les reçoit, afin qu’en cela on recognoisse et leur puissance et leur bonté. Vous aussi, madame, imitant ceux que vous ressemblez et en beauté et en vertu, vous avez voulu m’en faire une aujourd’huy, qui n’outrepasse pas seulement ce que je puis valoir, mais toutes les esperances que j’eusse jamais peu concevoir. Puis qu’il est ainsi, et que je le recognois, qu’est-ce qu’il faut que je fasse, non pour m’acquitter, car je n’y veux point pretendre, sçachant qu’il est impossible, mais seulement pour eviter le tiltre d’ingrat et de mescognoissant ? J’avoue que plus j’y pense, plus je demeure confus et honteux que ma fortune m’ait donné tant de moyens de recevoir les bienfaits, et si peu d’entendement pour sçavoir rendre les recognoissances que j’en dois. En fin apres les avoir long-temps recherchées en moy-mesme, je ne trouve autre voye pour sortir de ce labyrinthe,