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en bas l’eschelle. Je tremblois de sorte, et de contentement et de crainte, que je fus contraincte de m’assoir sur mon lict, et laisser toute la peine à Clarine qui, plus asseurée que je n’eusse jamais creu, apres avoir bien attaché les crochets contre les accoudoirs de la fenestre, jetta l’eschelle en bas, par laquelle Arimant fut si diligent à monter, que je le vis plustost dans la chambre, que je n’avois opinion qu’il eust mis le pied sur le premier eschelon.

Aussi-tost qu’il fut entré, il se vint jetter à genoux devant moy, qu’il trouva si interdite, que je ne sçavois pas seulement luy dire qu’il s’assist. Clarine, avant que de venir vers nous, retira l’eschelle, et referma la fenestre, et puis vint voir ce que nous faisions, mais, trouvant le chevalier encores à genoux, sans que je luy disse un seul mot, ny luy à moy, mais moy, pour l’estonnement de voir un homme dans ma chambre à ces heures, et luy, d’extreme contentement d’avoir cette asseurance de mon amitié, outre qu’il ne pouvoit parler parce qu’il m’avoit pris une main, que sans cesse il baisoit, elle me dit : Il me semble, ma maistresse (c’est ainsi qu’elle me nommoit), que vous usez de peu de civilité envers ce chevalier, le laissant si long-temps en l’estat où je le vois, et si mal à son ayse. – Je vous supplie, reprit incontinent le chevalier, ne m’enviez point le lieu où je suis, puis que je l’ay tant et si ardamment desiré, et que c’est le plus heureux et agreable que je puisse avoir.