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d’achever ce que j’avois promis qu’enfin je me résolus de le faire.

L’heure estant venue de se retirer, nous nous mettons toutes dans le lict, et la bonne nourrice qui ne pensoit point à nostre dessein s’endormit de fortune ce soir plustost que de coustume. Soudain que Clarine l’ouyt souffler en façon de personne qui dort, elle mit la main à la boeste qu’elle avoit cachée soubs le chevet du lict, et la luy mettant soubs le nez, feignit de l’appeller pour quelque frayeur qu’elle disoit avoir eue, mais la bonne vieille estoit tellement assoupie que, si la maison fust tombée, elle ne l’eust pas ouye. Clarine, toute contente de ce bon commencement, se leva d’aupres de sa mere, et luy appuyant la boeste ouverte contre le nez, me vint ayder à sortir du lict, et me donna seulement une robe de nuict qu’elle m’ageança ainsi qu’elle voulut, car je vous jure, Hylas, que j’estois tellement hors de moy, que je ne sçavois ce que je faisois.

Nous avions tousjours de la lumiere dans la chambre pour tout ce qui pouvoit arriver, cela fut cause que cette folastre de Clarine, m’apportant le miroir, me contraignit de r’accommoder mon poil, et un colet de nuict qu’elle me mit dessus les espaules, me disant que les bons soldats, quand ils vouloient aller au combat, preparoient leurs armes afin de gaigner la victoire. – Vous estes une folle,