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toutes particulieres à luy. Cet homme, pour quelque grande obligation qu’il avoit à Arimant, desiroit infiniment de le pouvoir servir. Amour conseilla ce jeune homme de s’adresser à luy, et de luy demander quelque moyen d’endormir une personne. Luy qui faisoit particulierement profession de semblables secrets, luy donna d’un unguent qui, estant mis soubs le nez de celuy qui commence de dormir, l’assoupit de sorte qu’il est impossible, quelque bruit que l’on fasse, qu’il se puisse esveiller, tant qu’il a ceste odeur soubs le nez. Avant que de s’en servir en ceste occasion, il l’essaya en un de ses domestiques, qui s’endormit de façon que, quoy qu’il luy criast aux oreilles, et qu’il le fist porter d’un lieu à l’autre, il ne se peut jamais esveiller, qu’en ostant la boeste de dessoubs son nez, et luy jettant un peu d’eau freche sur le visage.

Toutes choses estans donc preparées, il ne falloit plus que les exécuter. J’avoue qu’alors le cœur commença de me faillir, et que, considerant en quel hazard je me mettois, j’avois presque envie de m’en desdire, sans Clarine qui, plus résolue que je n’estois, me dit qu’il n’en falloit pas estre venue si avant pour ne vouloir passer plus outre. Que si d’abord j’eusse tout à faict osté cette esperance à ce chevalier, il ne s’en fust pas tant offensé, mais que maintenant ce seroit luy faire un tres-sensible outrage, et me sceut tellement representer l’obligation en laquelle je m’estois mise, et la facilité qu’il y avoit