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de la voir, ou de parler à elle, ou d’en recevoir quelque faveur. Suivant cette coustume, Arimant estoit sous la mienne, et je le recogneus au mouchoir qu’il avoit en la main, qui estoit le signal que nous avions pris ensemble. L’ayant donc bien recogneu, j’entr’ouvre le treillis de roseaux, et fais expressement un peu de bruit pour luy faire hausser la teste ; et soudain que je vis qu’il me regardoit, je laissay tomber la lettre si justement, qu’elle luy donna sur le visage. Et soudain, me retirant toute tremblante, je me rejettay dans le lict sans m’en oser plus lever, quoy que la musique durast encore plus d’une demie heure, comme si c’eust esté pour remerciment de la faveur que je luy avois faite. Et n’eust esté que Clarine (c’est ainsi que s’appelloit cette jeune fille) se ressouvint de fermer les fenestres, sans doute ma nourrice les eust trouvées ouvertes le matin, et s’en fust peut-estre faschée. Quant à Arimant, il s’en alla tout incontinent au logis, impatient de voir cette lettre et commanda à ceux qui faisoient la musique de continuer encore quelque temps.

Or Clarine, considérant le hazard où je m’estois mise en jettant cette lettre de cette sorte, chercha une invention d’escrire avec moins de peril qui fut telle : Le soir avant que je luy voulusse faire avoir de mes nouvelles, je mettois un mouchoir à la fenestre comme si c’eust esté pour le seicher, et par là nous entendions que le lendemain,