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par des promesses et par des presens, et elle qui, je m’asseure, ne faisoit pas là son apprentissage, feignant de me prendre la mesure d’une fraize, et pour cet effect m’ayant reculée vers une fenestre, me voulut mettre une lettre en la main sans me dire autre chose sinon : Arimant. J’entendis bien que c’estoit une lettre qui venoit de sa part, mais ne me voulant obliger à la discretion ny à la fidelité de ceste vieille, que je ne cognoissois point, sçachant assez que ces femmes bien souvent s’estant insinuées dans les secrets de celles qui peu sagement s’y fient, veulent apres user de tyrannie sur elles, ou vendre si cherement leur silence, et leur discretion, qu’il est impossible de les contenter, je ne la voulus point recevoir ; au contraire, je la refusay avec de si rudes paroles, mais basses toutesfois, que la pauvre femme la rapporta toute honteuse à celuy qui la luy avoit remise, le suppliant de ne luy plus donner de semblables commissions.

Luy qui s’estoit imaginé que je l’aurois tres-agreable, et que pour responce il auroit de mes lettres, et des asseurances de ma bonne volonté, voyant au contraire ce refus, et oyant les aigres paroles desquelles j’avois usé, il demeura le plus estonné du monde, et ne sçachant à qui s’en plaindre, le soir mesme s’en vint à nostre rue avec plusieurs instrumens de musique, et apres avoir sonné quelque temps, et qu’il jugea que j’estois à la fenestre,