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IV

Contentons-le mon cœur, ou bien nous esloignons
En des lieux escartez, quand nous nous en plaignons,
De peur que la parole
Dont nous pensons nos maux recevoir guerison,
Contre nostre dessein ce devoir ne viole,
Quoy qu’avecques raison.

V

Je dis avec raison, car de quels ennemis
Pressé de sa douleur, ne seroit-il permis
De plaindre sa misere ?
Amour seul le deffend, et seulement à moy :
Il te faut, me dit-il, te brusler, et te taire
Pour me monstrer ta foy.

VI

Et bien je me tairay, puis que l'Amour le veut,
Amour qui me commande, et si mon cœur ne peut
Celer du tout ma flame,
Loing bien loing de chacun je m’en iray cacher,
Et ne descouvriray les secrets de mon ame .
Qu’au plus secret rocher.

VII

Là parmy les replis des rochers caverneux,
Et les divers destours des antres espineux,
Aux lieux plus solitaires,
Avant que de mourir je diray mes douleurs,
Et supplieray ces lieux d’estre les secretaires
De mes secrets mal-heurs,