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ne feront pas que pour cela je ne sois vaincu, ny que je puisse regretter ma perte.

Je ne sçavois qui estoit ce jeune chevalier, comme ne l’ayant jamais veu, toutesfois je pensay bien qu’ayant la hardiesse de s’adresser à moy, il devoit estre des principaux des Salasses ; et sa belle presence et l’affection qu’il me faisoit paroistre, me donnoient une grande curiosité de sçavoir son nom. Et faut advouer que j’eusse esté bien empeschée à luy respondre, si le bal eust duré d’advantage, mais de bonne fortune, en finissant, il me donna la commodité de sçavoir ce que je desirois. Luy qui commençoit de ressentir les premiers coups d’une jeune amour, qui sont d’ordinaire pleins d’impatience, et qui sçavoit bien que peut-estre de long temps, il ne pourrait parler à moy, si cette commodité se perdoit, tourna de tant de costez qu’il me prit encores une fois pour dancer, quoy que ce ne fust pas bien la coustume, et rendu plus hardy et meilleur mesnager du temps, d’abord que nous fusmes un peu esloignez, il me dit : L’on m’avoit tousjours bien asseuré que les belles ne veulent guere croire les choses vrayes, et soupçonnent plustost celles qui ne sont pas. – Encores, luy dis-je, que je devrois laisser aux belles à vous respondre, toutesfois n’y en ayant point icy qui vous entende, je ne laisseray de vous demander pourquoy vous les accusez de ce deffaut ? – Parce, respondit-il, que je le trouve en vous, pardonnez-