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qu’elles ont de plus beau ? – Je ne sçay, luy dis-je, sur quoy vous vous fondez. – Sur la coustume, me repondit-il, que l’on a de r’enfermer entre des murailles les belles dames, et ne les laisser voir que si peu souvent, qu’à peine peut-on dire que l’on les voye. Et pour ne prendre un exemple plus esloigné, n’est-ce pas une grande cruauté qu’il y ayt plus de six mois que je suis en cette ville, et voicy la premiere fois que j’ay eu le bon-heur de vous veoir ? – Que l’on cache les belles dames, luy dis-je, cela se faict avec beaucoup de bonnes considerations, car ce qui se voit trop souvent, en fin se mesprise. Mais que vous me mettiez en ce rang, ou que vous m’ayez trop peu veue, vous avez fort peu de raison de vous en plaindre, puis que mon visage tesmoignera assez le contraire, en despit de moy et que ma veue ne vous peut estre que fort indifférente. – C’est trop, dit-il en souspirant, que de vouloir vaincre deux fois une mesme personne : ce vous devoit estre assez que vos yeux eussent desja eu cette victoire sur moy, sans que par vostre bel esprit je fusse surmonté doublement.

Cette prompte declaration me surprit, et toutesfois je ne sçay comment elle ne m’offença point ; toutesfois, je luy respondis : Vous estes aisément vaincu, si ce que vous dites est vray, puis que vostre vainqueur a de si mauvaises armes, et que c’est sans y penser qu’il obtient ceste victoire. – Ces reproches, me dict-il,