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cette ville pour pouvoir tant plustost sortir de l’Italie, en cas qu’il le falust faire, ou par les Centrons, ou par les Veragrois, ou par les Helvetiens. Ce jeune chevalier duquel je vous parle, par mal-heur me vit à des nopces qui se faisoient à la maison de l’une de mes parentes : en semblables occasions, il nous est permis de nous laisser veoir, et non pas comme en ces contrées, où l’entrée des maisons est permise comme celle des temples. Je dis qu’il me vit par mal-heur, car deslors il devint amoureux de moy, et cet amour fut la source de tous ses desplaisirs et de tous les miens. Il prit occasion de me declarer son affection en un bal qui s’accoustume delà les Alpes : l’on danse plusieurs à la fois, se tenant toutesfois deux à deux, et se promenant le long de la salle, sans avoir autre soucy que de marquer seulement un peu la cadence ; l’on l’appelle le grand bal, et semble qu’il ne soit inventé que pour donner une honneste commodité aux chevaliers de parler aux dames.

Arimant me vint prendre, encores qu’il ne l’eust faict qu’à dessein de me descouvrir son affection, si demeura-t’il quelque temps sans l’oser faire ; en fin, pour ne perdre l’occasion qui difficilement en ce pays-là se peut recouvrer, il s’efforça de me dire : N’advouerez-vous pas avec moy, belle Cryseide (car il s’estoit enquis de mon nom) que les loix de cette contrée sont trop rigoureuses, pour ne dire injustes, de tenir ainsi caché ce