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où vous estes née, si est-ce qu’estant en Gaule, vous ne trouverez point mauvais, si j’use de nos privileges, et si, vous prenant sous les bras, j’essaye de vous soulager d’une partie de la peine du marcher. – Hylas, me respondit-elle, la bonne volonté que vous me faites paroistre, m’oblige à plus que la familiarité de laquelle vous me parlez. Il est vray qu’en l’estat où je suis, les paroles seulement me restent pour vous donner cognoissance que je cheris vostre amitié comme je dois. Et à ce mot, avec un grand souspir, je la vis changer de visage, comme si ce souvenir luy eust donné un desplaisir extreme ; et parce que bien souvent j’avois eu volonté de sçavoir quelle occasion particuliere elle avoit d’estre si triste, ne voulant perdre inutilement la commodité qui se presentoit, apres l’avoir remerciée des courtoises paroles qu’elle m’avoit dites, je la suppliay de me faire sçavoir et quelle fortune l’avoit conduite en cette contrée, et quelle estoit l’occasion qui l’y retenoit. Et d’autant que (et note bien, Silvandre, ce que je dis) ce n’est pas un petit advantage de sçavoir et les fortunes et les humeurs de celle de qui l’on veut acquerir les bonnes graces, puis que l’on s’instruict par là de ce qui leur plaist ou qu’elles desapreuvent. – Et comment, me dit-elle, Hylas, ne sçavez-vous point que je suis prisonniere du roy Gondebaut, et quelle est l’extreme obligation que mes compagnes et moy luy avons ? Et luy