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qui sont comme l’amour, où ne vaincre pas promptement, c’est estre vaincu. Mais ce qui me fit resoudre à ne laisser pas plus long-temps ceste belle estrangere en doute de mon affection, fut une double consideration que je fis en ce mesme temps. Je sçavois qu’elle estait en la puissance d’autruy, et non point, comme les filles sont ordinairement, en celles de leurs meres, ou de leurs parentes, mais prisonniere de guerre, et gardée par l’ordonnance du roy Gondebaut, aussi bien que ses compagnes. Et parce que mal-aisément pouvoit-on sçavoir quel dessein il avoit sur elle, j’eus crainte que la commodité que j’avois de parler à elle, ne me fust, peut-estre bien-tost retranchée, ou par de plus severes gardes, ou pour estre conduite en quelque autre part. Je sçavois aussi qu’elle avoit esté amenée de delà les Alpes, où les filles sont beaucoup plus hardies et resolues que ne sont pas nos Gauloises, hardies à entreprendre ce qu’elles desirent, et resolues à executer ce qu’elles ont entrepris. Je sçavois ceste humeur pour la pratique que j’avois eu en Camargue, et en la ville d’Arles, de plusieurs personnes de ces pays là, qui me fit juger que celle-cy ne dementant point le lieu de sa naissance, ne trouveroit point estrange ceste prompte et precipitée declaration.

Suivant donc l’humeur de son pays, et la mienne particuliere, je luy fis entendre l’affection que je