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conduire à sa mere (c’est ainsi qu’il nommoit Amasonte). Elle, prenant alors la parole, me dit que, si j’estois bon amy, je ne laisserais pas aller Periandre seul en ceste occasion. – Je ne m’enquiers, luy respondis-je, où ce peut estre, puis que vous le commandez, et que c’est pour le service de mon amy. Et disant ces paroles, je pris Orsinde soubs les bras. Periandre se pouvoit à peine empescher de rire, voyant combien je me monstrois ignorant de ce voyage, et la promptitude avec laquelle j’avois pris ceste occasion.

Nous entrasmes donc de ceste sorte où estaient ces estrangeres, et d’abord je vis venir la belle que j’adorois, les bras ouverts, avec un visage si riant et une si grande demonstration de bonne volonté, que je devins envieux d’Orsinde à qui ces caresses s’adressoient. Apres les premieres salutations, Amasonte qui desiroit que je receusse un bon visage de ceste belle estrangere à son occasion ; luy fit entendre qui nous estions, et l’estroitte amitié de Periandre et de moy, et de plus le desir que nous avions tous deux de luy faire service. Cela fut cause que s’adressant à nous, elle nous fit toutes les offres de courtoisie que la civilité luy pouvoit permettre, et puis, se tournant à moy, elle se ressouvint du secours que je luy avois donné, lors qu’elle estoit tombée à la sortie du temple – A ce que je vois, madame, luy dis-je, on ne doit pas plaindre les services qu’on vous faict, puis que vous avez si