Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/620

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus de peine et plus de soing que pour toutes les autres, sçachant assez que les premieres impressions qu’elles reçoivent sont malaisément effacées.

Et d’autant qu’en luy tenant ce discours, je ne laissois de m’habiller et agencer le plus soigneusement qu’il m’estoit possible : Encore, me dit-il, faut-il mettre une fin à cette curiosité, autrement nous y arriverons quand elles seront parties. Et lors, me prenant par la main, il me detacha presque par force de mon miroir, et me contraignit de le suivre au Palais, où estoit logée cette belle estrangere, et où nous n’eusmes guere attendu, que nous les vismes sortir, se tenans par les mains deux à deux, pour s’en aller au Temple.

J’estois si attentif à les voir passer devant nous, et à bien remarquer celle qui m’avoit blessé, que Periandre, pour se mocquer de moy, me vint dire à l’oreille : Prenez garde que celle que vous aimez si fort ne passe sans que vous la recognoissiez. – Si mes yeux, luy respondis-je, avoient fait cette faute, je les arracherois du lieu où ils sont, pour n’estre plus trompé de cette sorte.

– Je ne le dis pas sans raison, repliqua-t’il en sousriant, car je suis le plus trompé homme du monde si elle n’est desja passée. – Est-il possible ? repris-je incontinent, et ne vous mocquez-vous point de moy ?

Et à ce mot, sans attendre sa response, je m’avançay devant toutes, afin de les revoir repasser une