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donner point une mauvaise impression aux femmes la premiere fois qu’elles nous voyent, et que je sçay qu’encores que ce soit sans raison, elles craignent le poil de la couleur du mien, je me chargeay la teste de tant de poudre de Cypre, que de loing elle sembloit mieux la teste d’un meunier que celle d’Hylas, et Periandre m’y surprenant demeura long-temps à me considerer en ce travail avant que je l’apperceusse. En fin je levay de fortune la teste, et haussant les yeux, je vis qu’il en sousrioit : Periandre, luy dis-je, vous n’estes pas bon amy puis qu’au lieu de m’aider et d’avoir pitié de mon mal vous vous mocquez de ce que je vous dis. – Tant s’en faut que je m’en mocque, dict-il, qu’au contraire je l’admire, et ne puis penser que ce mal duquel vous vous plaignez soit veritable, si ce n’est que Amour, se soit voulu venger de vous, vous faisant espreuver en vous-mesme ce que vous n’avez peu croire en autruy. – Et de quoy, dis-je, ay-je esté tant incrédule ? – Qu’il se puisse treuver, dit-il, une affection si grande qu’elle puisse effacer tous les autres soings, sinon ceux, qui la touchent ou qui despendent d’elle. – Vous avez raison, luy dis-je, mais si m’avez-vous tousjours veu desireux de plaire à celles que j’ay aymées ; et parce que, quand je mettrais ensemble toutes les amours que j’ay eu pour celles que j’ay jusques icy affectionnées, elles ne sçauroient esgaler la seule affection que je porte à celle-cy seule, vous ne devez trouver estrange que j’employe aussi