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il s’en voulut aller, mais le retenant par la cape, je luy dis, comme par reproche : Est-ce cela toute l’aide et toute la consolation que je dois attendre de l’amitié que vous m’avez promise ? – Et que puis-je pour vous, me dit-il, si vous ne scavez qui vous a fait le mal dont vous vous pleignez ? – Encores, repliquay-je, m’y pouvez-vous aider, me faisant avoir cognoissance de celle que j’adore. – Vous vous mocquez de moy, dit-il, aussi bien que de vostre mal : comment voulez-vous que je la cognoisse mieux que vous ? – Et quoy, repris-je alors, ne voit-on pas ordinairement que les personnes saines disent aux malades quelle est leur maladie, et y trouvent et rapportent les remedes que, ceux qui ont le mal ne peuvent ny sçavoir, ny trouver ? Ah ! Periandre, si vous m’aimiez comme vous dites, vous ne me refuseriez pas l’assistance que vous me devez.

Alors il me respondit : Que voulez-vous, Hylas, que je vous die ? Je croy, sur ma foy, que vous estes devenu fol. – Je suis fol ? luy dis-je, or oyez si c’est folie d’aimer ce que j’adore. Celle pour qui je meurs ne cede en beauté à la mesme déesse d’Appelles, elle a plus de grace que les Graces mesmes. Et si l’Amour n’avoit le bandeau sur les yeux, sans doute Amour brusleroit d’amour pour elle, mais il est vray que je ne sçay qui elle est. – En ce dernier poinct, me repliqua-t’il, gist vostre folie,, mais où l’avez-vous veue ? – O dieux ! luy dis-je, n’estes-vous pas bien aveugle de ne veoir