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amoureux de Dorinde, pour luy complaire, fut cause de me faire perdre la bonne volonté de Florice, en me desrobant, quoy que mon amy, quelques lettres qu’elle m’avoit escrites, et que depuis, Dorinde, pour se venger d’elle et de moy, fit voir, la malicieuse qu’elle est, à Teombre, mary de Florice, et desquelles il conceut un si grand soupçon qu’il l’emmena hors de la ville, me laissant perdre par cet esloignement le bien de la voir, et peu de temps apres le desir de la revoir.

Car, ma maistresse, je vous avoue librement que, tout ainsi que mon amour prend naissance par les yeux, de mesme meurt-il aussi tost que par la veue je ne le puis plus nourrir, suivant ceste tres-veritable maxime, Qui est loing des yeux, l’est aussi du cœur, et ceste autre, Qui ne sçait oublier, s’en aille. Or le sejour de Florice hors de la ville fut d’une lune, terme assez long pour voir naistre et mourir en moy une douzaine de diverses amours ; mais quand le temps de son esloignement n’eust pas esté si long, l’occasion qui se presenta n’eust esté que trop suffisante de me la faire oublier. Toutesfois,, il ne faut point que je me vante, encores que la perte ou le changement d’une amitié n’ait guere accoustumé de me faire desesperer, ayant tousjours eu une certaine resolution et grandeur de courage qui ne m’a laissé abatre sous une trop grande tristesse pour un semblable accident, si fus-je bien empesché de moy-mesrne,