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d’entendre la suite estrange de mes fortunes. Il y en a eu plusieurs qui ont eu cette curiosité, et mesme en cette troupe, et à qui, en diverses fois, j’en ay dit une grande partie. Or je sçay bien que ce que vous desirez sçavoir de moy, c’est ce que vous ne pouvez apprendre de nul autre qui soit icy, car, pour le reste, ces causeuses bergeres à qui je l’ay desja raconté, vous le diront à loisir, si desjà elles ne l’ont faict.

Et pource, je ne vous diray pas que je suis originaire des Camargues, que j’y commençay mon apprentissage aupres de Carlis, et le finis en Stiliane, qui me firent quitter le lieu de ma naissance, tant j’estois nouveau en ce mestier, ny que, suivant ma fortune, je parvins à Lyon, apres avoir aimé par les chemins la belle Aymée, la folastre Floriante et la triste Cloris. Je me tairay aussi qu’y estant arrivé, j’entrevis Circene, et que j’en fus espris d’amour, et que si cette affection nasquit dans le Temple, elle mourut aussi tost que j’en sortis, pour revivre quelque temps après, laissant cependant la place à la charitable Palinice, et celle-là à la courtoise Parthenope, puis à la malicieuse Dorinde, et à la glorieuse Florice. Mais parce que Florice est la derniere de toutes celles que j’ay nommées, je suis contraint de commencer mon discours où cette amour prit fin, pour vous faire mieux entendre ce que vous desirez sçavoir de ma vie.

Periandre, tres-honneste chevalier, et qui estoit passionnément