pour vous, mais pour moy, c’est-à-dire que, voulant establir ce jeune homme en cette province, elle ne le peust faire qu’en m’ostant l’authorité que mes services m’y ont acquise. Elle a pensé que si elle le faisoit tout à coup, je pourrois peut-estre m’y opposer ; c’est pourquoy elle me veut peu à peu miner, afin qu’apres, tant plus l’édifice sera grand, tant plustost il se mettra en ruine de sa propre pesanteur ! Et pour commencer par ce qui me peut le plus soustenir, elle me veut oster mes amis plus asseurez, comme vous estes, je le cognois bien, et si toutes choses estoient en l’estat où j’espère de les voir bien tost, j’empescherois bien ces desordres ; mais pour cette heure, si le remede ne vient de vostre courage et de vostre resolution, je crains que vous ne soyez contraincts de vous separer de nous pour quelque temps, qui seroit bien l’un des plus grands desplaisirs que je peusse recevoir. Mais si vous avez le mesme courage que j’ay tousjours recogneu en vous, je m’asseure que vous vous resoudrez de mettre hors du monde celuy qui est cause qu’on vous veut oster du lieu de vostre naissance. Il n’y a rien de si aysé, car il est seul, et il ne sçauroit resister à l’un de vous, tant moins le fera-t’il à tous six ; il ne faut d’abord que luy tuer son cheval, afin qu’il ne s’enfuye, et puis, estant à pied, le heurt des vostres sans que vous y mettiez la main est suffisant de vous
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