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ny tous mes desseins bandez qu’à son advantage. Toutesfois il m’a esté impossible, quelque peine et quelque juste artifice que j’y aye peu mettre, d’arrester cet esprit ondoyant qui est naturel à celles de son sexe. Je la vois donc maintenant entierement portée à un jeune chevalier estranger lequel, aux despens d’Argantée, s’est acquis un peu de reputation. Je veux parler de celuy qui par mal-heur, et non par vertu qui fust en luy, le tua devant nos yeux, y ayant apparence qu’il y eust usé de quelque supercherie, avant que nous y fussions arrivez ; autrement il ne seroit pas croyable que la force, la valeur et l’addresse d’Argantée ne fust venu à bout. Le ressentiment que vous en eustes à l’heure mesme, m’obligea si fort qu’il ne sera jour de ma vie, que je ne m’en ressouvienne, pour m’en acquitter en toutes sortes d’occasions.

Mais maintenant, je crains que les moyens m’en soient ostez pour long-temps, si vous ne faictes une bonne resolution, et telle que je la vous proposeray. Amasis, pour gratifier ce nouveau venu à nos despens, d’abord m’a ordonné de vous oster du nombre de ses solduriers, avec exprez commandement de vous deffendre cette contrée, qui est vostre demeure naturelle. Ce coup, encores que vous en ressentiez le premier mal, n’a pas toutefois esté donné