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la plus belle, mais elle est si triste que cela est cause que Diane me plaist d’avantage ; et puis les filles qui aiment si fort, ne me plaisent pas tant que les autres. – Et qu’est-ce, reprint Galathée, qu’Astrée aime ? – Vous dis-je pas, madame, respondit-il, qu’elle est si triste ? Or cette melancolie, à ce que l’on m’a dict, procede de la mort d’un berger, qui se noya il y a quatre ou cinq Lunes. – Et Diane, luy dit la nymphe, n’aime-t’elle rien ? – L’on dict que non, respondit-il. Toutesfois, il y a deux personnes apres elle qui là tourmenteront bien, si pour le moins elle ne les aime point : l’un s’appelle Paris, et l’autre Silvandre, Il est vray que si c’estoit à moy d’en faire le chois, je donnerais ma voix à Silvandre, car encores qu’il soit berger, il n’y a rien de plus gentil ny de plus civilisé. – Si tu continue, dit Galathée, tu nous donneras envie de devenir bergeres, pour estre parmy une si bonne compagnie. – Madame, respondit-il, vous pensez-vous mocquer ? Croyez que pour deux ou trois jours vous ne les sçauriez mieux employer.

Alors Galathée, se tournant vers la vieille Cleontine : Je vous jure, ma mere, que j’ay presque envie, luy dit-elle, de demeurer icy deux ou trois jours pour donner loisir aux blesseures de Damon de se guerir, et cependant passer Lignon, et voir un peu si ce que l’on dict de ces bergeres est veritable. – Madame, respondit Cleontine, c’est la plus honnorable et