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Que son cours violent apres elle m’emporte,
On ne verra jamais qu’elle soit assez forte
Pour divertir mon cœur de son propre chemin.

En fin ne pouvant trouver repos, quelque divertissement que je recherchasse, je pensay que la prudence humaine ne me servant plus de rien, il falloit que je recourusse aux conseils divins. Et ainsi oyant dire que, sur le penchant des Pyrénées, du costé de la mer Occeane, il y avoit un oracle qui s’appelloit le temple de Venus, je retournay en Europe, et consultay l’oracle, auquel je demanday neuf jours durant, que c’est qui pourroit donner eu fin ou remede à mon mal. Il respondit en fin : Forests. Et- le lendemain, luy demandant où estoit ceste forest, il respondit encores : Forests. Et depuis, quelque importunité que je luy fisse, l’Oracle fut tous jours muet, de sorte que je me resolus de ne laisser Forests que je sceusse, en quelque endroit de l’Europe que je ne visitasse.

Je ne vous sçaurois dire, madame, combien inutilement j’ay en passé de diverses, tant y a qu’apres avoir couru toutes celles d’Espagne, de Cantabres, de la Gaule Narbonnoise, et d’Aquitaine, je suis venu en celles des Gebennes, et me resous de voir celle de Hircinie, des Ardennes, et d’aller par tout où je scauray qu’il y en a, car je ne puis me persuader que ce Dieu qui est si veritable à tous les autres hommes, vueille estre menteur pour moy seul ;