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teint aussi jaune que si j’eusse esté lavé avec du safiran. Halladin qui avoit appris en partie ce que Madonte avoit fait, se doutoit bien du suject de mon mal, et attendoit l’occasion de m’en parler ; mais le bon vieillard ne sçachant qu’en juger, me conseilla de changer d’air, esperant que l’exercice et le divertissement pourroient me remettre en ma premiere santé. Moy qui mesme me desplaisois d’estre en lieu où je peusse recevoir quelque soulagement des bons avis de ce sage druide, je me resolus aisément de m’en aller par le monde, errant d’un costé et d’autre sans repos, jusques à ce que je peusse rencontrer la mort en quelque lieu que ce fust.

Apres donc avoir remercié le bon vieillard, et recogneu, en ce qu’il me fut possible, la bonne volonté de ces pescheurs, je partis sans autre dessein de mon voyage que de marcher continuellement. Par les chemins toutesfois, d’autant que par mal-heur le nostre s’adressa du costé de la maison de Madonte, nous sceusmes des nouvelles, qui rengregerent encore mon desplaisir, car nous apprismes que ceste mal-avisée, tel estoit le nom que luy donnoit Halladin, s’en estoit allée, ou plustost desrobée, n’ayant pour toute compagnie que sa nourrice et Tersandre. Jugés ce que je devins à ce bruit ! Mon escuyer s’efforça bien de me representer qu’elle ne me faisoit point de tort, mais à elle seulement