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Elle me remercia, et me pria de deux choses : l’une, de luy dire qui j’estois, et l’autre, de la conduire en sa maison. Pour luy dire mon nom, je m’en excusay le mieux que je pus ; pour la conduire, je l’acceptay, à condition que ce fust promptement. Et parce qu’à mesme temps il y eut une grande confusion de dames qui vindrent se resjouyr avec elle, et que je craignois que le roy ne me commandast de me declarer, outre que j’avois quelques blesseures qu’il faloit faire penser, je me jettay parmy la foule, et me desrobay, de sorte que, chacun estant attentif ailleurs, personne ne se prit garde de moy qui m’en vins ou j’avais laissé mon escuyer, et là me faisant bander mes playes, et laissant fort peu repaistre mon cheval, je remontay dessus, et m’en revins trouver mon vieux druide.

J’oubliois de vous dire, madame, qu’ayant rencontré aupres de la ville un homme qui s’y en alloit, je le suppliay de faire mes excuses à Madonte, et afin qu’elle ne me tinst pour peu courtois, je feignis d’estre obligé ailleurs par quelque promesse, que toutesfois, si elle avoit affaire de mon service, elle auroit de mes nouvelles du costé du Mont-d’Or, et que je porterois tousjours l’enseigne du Tygre. Mon dessein estoit de luy faire accroire que j’allois de ce costé- là, encore que je ne le voulusse pas faire, de peur que si la curiosité du roy luy faisoit prendre envie de sçavoir de mes nouvelles, il ne me fist suivre